VIE DE COUPLE : TEMOIGNAGES
Article diffusé par un ami sur son site
http://www.mondefrancoparkinson.com/
Sexualité et Maladie de Parkinson
Ce travail a été réalisé à partir de messages émis sur « Parkliste » messagerie francophone réservée aux parkinsoniens et leur entourage.
En guise de préambule voici le texte d’un message reçu sur Parkliste :
Ce que j’ai à dire, c’est qu’il n’y a pratiquement aucune information valable sur les vrais « problèmes » sexuels pouvant être reliés à la MP. En gros, on sait que le traitement peut amener de l’hypersexualité, et que dans le cas des hommes, certains peuvent avoir des problèmes d’érection, et que pour les femmes, il pourrait y avoir une diminution de la lubrification vaginale, etc. … Mais la MP survenant très généralement à un âge relativement avancé (55 ans ou plus), c’est un âge où généralement on n’est déjà plus au sommet « de sa forme », de toute façon… Alors, faire la part des choses entre le vieillissement et la MP n’est pas évident. Avant même d’entrer dans les problèmes « mécaniques » découlant de la MP, il y a toute une série de changements psychologiques qui surviennent suite au choc du diagnostic, suite à une ou à des dépressions qui peuvent affecter le malade (mais aussi parfois le conjoint!), suite a la prise de médicaments qui augmentent la libido, suite à un changement possible du degré d’estime de soi… Les changements sociaux, la perte d’un emploi, le changement dans la répartition des tâches au sein du couple, tout çà a une influence profonde sur la relation du couple. Je ne peux parler que de mon cas. Je suis déjà dans ma 5e année de MP, et je n’ai pas vraiment constaté de changement significatif sur le plan sexuel. D’abord, avant que je reçoive le diagnostic, je dirais peut-être 3 ou 4 ans plus tôt, j’avais observé une diminution du désir sexuel… Je venais de franchir le cap des 30 ans, alors je me disais que c’était normal, je n’avais déjà plus 20 ans!! Mais le traitement a rétabli ce fameux désir, et même un peu plus, ce qui a été par moments un peu difficile à suivre pour la conjointe… Mais, avec le temps qui passe, cet effet « libidineux » s’est estompé. Je crois que c’est possiblement parce que, d’une part la MP nous ralentit graduellement, et que, d’autre part après 3 ou 4 ans de traitement avec les mêmes médicaments, le corps finit un peu par s’y habituer. Par exemple, au début, la lévodopa me donnait beaucoup de nausées, mais mon corps s’y est habitué, et il y a longtemps que je n’en ai plus. J’ai la conviction qu’il en est de même pour « l’effet libido »; par contre, il faudra voir si un nouvel épisode de désir sexuel « plus fort » surviendra lors d’une éventuelle augmentation significative des doses de produits dopaminergiques.
Donc, 5 ans après l’apparition des premiers symptômes évidents (4 ans et demi de traitement), j’ai la conviction que tout est essentiellement redevenu comme avant. Certains penseront que ce ne doit pas être toujours évident de faire l’amour avec autant de dyskinésies ou avec la moitié du corps crispée par les dystonies !!…
… Mais j’ai la profonde conviction qu’a mon degré de MP (5 ans d’évolution, symptômes essentiellement unilatéraux) et qu’a mon âge (38 ans), j’ai encore beaucoup de « kinésies paradoxales », ces activités relativement complexes que l’on arrive a faire encore avec facilité, même si souvent nous ne sommes plus capables d’exécuter des gestes qui semblent plus
simples….
… Or, faire l’amour, ça fait partie des choses agréables de ma vie, et curieusement, les symptômes ne semblent jamais être un vrai problème, ils sont toujours très réduits dans ces
moments-la. Je crois qu’il y a un peu de kinésie paradoxale la-dedans. J’ajouterais que les moments d’intimité sont des moments ou il n’y a aucun stress présent, et qu’en l’absence de stress, ou quand on est heureux, tout va toujours mieux (alors si on est à la fois heureux et pas stressé, c’est encore mieux!).
Mais il y a peut-être d’autres parkinsoniens qui développent graduellement des doutes sur leurs capacités physiques en général, ce qui n’aide pas « la chose », et ça peut même la rendre stressante, amorçant alors un cercle « vicieux » (est-ce le cas de le dire?!!!).
Bon! Encore une fois, je ne peux parler que pour moi, j’ai 38 ans, je ne suis pas du tout un parkinsonien « dans la moyenne », mais reviens maintenant sur le fait que je ne me retrouve aucunement dans les très rares documents traitant de la sexualité dans la MP.
Fin de citation.
…
Si le sentiment d’être désiré(e) et désirable est l’un des piliers du désir sexuel on comprend combien la maladie de Parkinson peut modifier profondément ce sentiment .
Les différences d’expression du visage plus ou moins figé , la modification du regard trop souvent fixe , voire dramatique , les changements d’odeur dus aux phénomènes séborrhéiques ou autres , la modification de l’aspect du corps par des changements de poids et la raideur musculaire , toutes ces modifications dues à la maladie ne sont pas sans interférer avec l’image de soi et sa dévaluation .Or l’on sait l’importance du psychique dans l’acte sexuel…
S’y ajoutent bien sûr les problèmes purement moteurs , tels la lenteur des mouvements, les difficultés posturales , l’impossibilité de se retourner dans un lit , la fatigabilité due à la maladie et bien évidemment chez l’homme la difficulté à obtenir une érection , à la maintenir , à éjaculer .
En outre chez beaucoup les rapports sexuels sont tributaires des prises médicamenteuses, ne sont réalisables qu’en phase ON, enlevant toute spontanéité à la relation amoureuse.
Tous ces phénomènes aggravent la perte de confiance en soi et les modifications du schéma corporel propres à la maladie, bref accentuent la dévalorisation du moi , contribuent à l’inhibition de la sexualité .
Il paraît nécessaire de souligner qu’il est classique de dire que la dopamine et les agonistes dopaminergiques favorisent l’excitation sexuelle.
Par contre, la lecture des messages sur Parkliste nous a appris que lorsqu’elle existe, notamment chez la femme, cette excitation sexuelle est à la base de comportements fortement perturbés, en rupture avec la personnalité du sujet, entraînant un fort sentiment de culpabilité.
Chez l’homme cette excitation sexuelle est contrecarrée par les difficultés posturales et surtout les troubles de l’érection : le désir est là mais cela ne suit pas …
Enfin il faut souligner que les difficultés de relation dans le couple existant avant l’apparition de la maladie de Parkinson ne vont pas s’améliorer, ni par la maladie, ni par son traitement. Les troubles de la sexualité seront alors exacerbés, traduisant les troubles de relation interpersonnelle.
L’analyse des troubles de la sexualité chez les parkinsoniens et leur entourage met en évidence, à travers les mots, les doléances, leur désarroi devant la maladie, leur immense détresse.
Mais aussi combien de dévouement, de générosité, d’amour chez la plupart d’entre eux et leurs conjoints.
Pour clore ce travail et illustrer certains propos ci dessus il a paru souhaitable de citer sans les commenter des extraits de messages échangés par des parkinsoniens sur Parkliste, extraits que vous trouverez ci dessous en annexe .
Saint-Raphaël le 18 avril 2002.
Claude Mange.
ANNEXE : Extraits de messages.
En outre – et pour répondre a A. – les effets secondaires de la bromocriptine ( Parlodel, Bromokin ) sont connus . Entre autres » priapisme clitoridien » chez la femme (autrement dit congestion anormale du clitoris) et …impuissance chez l’homme. C’est tout au moins signalé parmi les effets secondaires sur la BIAM …
Depuis quelques mois je constate des problèmes sexuels : d’abord problèmes d’horaires (liés aux crises d’akinésie) puis problèmes de durée de l’érection, et enfin récemment panne totale.
En ce qui concerne le Viagra, à ma connaissance aucune contrindication ni avec la MP ni avec les antiparkinsoniens.
Restriction : le Viagra ne semble pas supprimer les difficultés d’érection dues à des problèmes psychologiques.
Oui la dopamine a un effet, peut-être pas sur la libido mais à coup sûr sur l’érection .
A tel point qu’outre le Viagra, 2 médicaments par voie sublinguale sont vendus contre les déficiences de l’érection chez l’homme.
Je peux ajouter que les hommes qui utilisent l’apomorphine savent très bien ce qu’ils ressentent exactement 15 minutes après l’injection sous cutané. Mais nous ne sommes là qu’avec un effet très fugitif ….
J’ai bien apprécié la lettre de J. et la réflexion « Surtout que ces messieurs sont trahis par leur physique et que la mécanique ne suit pas ».
C’est un sujet dont il faut parler, car faisant partie du « club », je peux vous assurer mesdames que vos maris atteints, courtisés par la MP, en souffrent psychiquement et physiquement. Et ce n’est pas un problème de petit garçon qu’on a privé de télévision ! Ca vous prend aux tripes (sans faire de jeux de mots débiles) …
Le décalage naturel qui existe entre homme et femme dans les jeux de l’amour, normalement compensé par l’affection et la tendresse, devient un « fossé » infranchissable pour certains. C’est certainement un sujet ou se « mettre à la place de l’autre » pour comprendre, est quasi impossible !
« Un printemps sans amour, c’est pas le printemps… » (Michel Simon).
« Il est également important de rester positif, c’est-à-dire de se concentrer sur les gains et non sur les pertes, sinon cette situation ne fait qu’engendrer de la frustration et de la tristesse. Tout le contraire du plaisir ! En ce qui a trait aux dysfonctions sexuelles, comme une lubrification
vaginale insuffisante, il est possible de corriger ce problème par une thérapie de remplacement hormonal. De même, le marché pharmacologique offre plusieurs solutions pour traiter les troubles érectiles. Parmi ces thérapies, il existe des médicaments qui peuvent être pris par voie orale ou pénienne. L’injection intra pénienne et l’implant d’une prothèse sont également des solutions envisageables. Le choix du traitement dépend de la difficulté identifiée, de la condition de santé générale, des préférences personnelles et de l’avis du médecin traitant ou du professionnel consulté.
… Je me suis toujours demandé comment des gens n’ayant pas la MP pouvaient aller aussi loin dans leurs conseils, comment ils pouvaient parler avec tant d’assurance de choses qu’ils n’ont jamais vécues. Ca me rappelle la fois qu’une infirmière a affirmé devant moi que c’était impossible d’accepter la MP : qu’est-ce qu’elle peut bien en savoir??! …
L’essentiel de mon message, c’est qu’il y a des sujets, surtout ceux qui sont délicats, pour lesquels les mieux placés pour en parler sont ceux qui vivent avec la MP (malade ou « partenaire »).
Je rejoins totalement les propos de C .: impossible de parler sexualité sans parler « amour » et sans parler de « couple » .
Chaque cas est différent, aucune généralisation possible. De plus, c’est un sujet sur lequel il est difficile de témoigner, cela touche trop à l’intime pour être dit « publiquement ».
Parler de libido, activité sexuelle et désir à des parkinsoniens ne peut s’inscrire dans une démarche globale. Car encore plus que pour l’effet des médicaments, il est indispensable de prendre en compte une série de paramètres comme:
- l’âge
- l’état musculaire du sujet atteint de MP
- la relation dans le couple avant la maladie
- les médicaments en particulier les antidépresseurs, tous ou presque des fossoyeurs du désir, de l’érection, et de l’éjaculation
- la fatigabilité de chaque MP
- la qualité du ou de la partenaire.(femme, compagne, ou autre situation )
- la vision ou non de cassettes de films pornographique en cas de difficultés
- etc..
Bien que ces problèmes sexuels puissent être résolus de façon plus technique, il est possible d’envisager la situation autrement, c’est-à-dire d’explorer de façon différente sa sexualité avec l’autre, car si la pénétration procure un plaisir et une intimité, d’autres caresses, à découvrir peut-être, peuvent aussi apporter une satisfaction sexuelle qui permettra de dédramatiser la présence de dysfonctions sexuelles.
En résumé, les changements entraînés par la maladie de Parkinson exigeront éventuellement une adaptation qui risque de modifier les habitudes passées. Les préliminaires et les caresses prendront peut-être plus de place, l’intimité du soir sera vécue le matin, les draps de satin remplaceront les draps de coton, etc.
Et la communication occupera une place prépondérante pour conserver un espace où respect, complicité, tendresse et amour pourront s’exprimer librement et harmonieusement. »
Pour terminer ce florilège, ce message, cité in extenso :
Aveu difficile …
Lorsque Mme MP a appris le diagnostic , tant d’émotions se sont entrechoquées en elle, qu’il lui a été très difficile d’y faire face .
Puis, petit à petit , sans qu’elle y prenne garde , un sournois sentiment de dévalorisation de soi s’est ‘installé dans un coin de sa petite tête . Elle n’était plus tout à fait une femme normale puisque elle prenait des médicaments , qu’elle était souvent fatiguée , ni tout à fait une malade: non , c’était elle qui s’occupait de l’intendance de la maison , elle qui gérait difficilement le quotidien des relations avec ses adolescents , elle qui travaillait et se déplaçait dans son travail , bref celle sur qui la famille se reposait tranquillement ….
Non seulement, elle se sentait dévalorisée intérieurement, mais elle avait le sentiment que tout était redevenu comme avant et que pour ses proches tout était redevenu « normal. » , alors que le monde avait basculé pour elle !
Elle a eu parfois le sentiment de ne plus « exister » en tant que femme, malgré l’attention de son mari Mr BP (NDLR = bien portant, non malade) . Seulement Mme MP avait un immense besoin d’amour à ce moment là. Elle se voyait glisser dans un avenir noir fait de handicap et de dépendance envers Mr BP, et cela l’angoissait terriblement.
C’est dans ce contexte que Mme MP a eu une aventure amoureuse avec un homme de 10 ans son aîné qui l’a séduite par des mots gentils , et peut-être aussi parce qu’il l’a regardée avec des yeux « amoureux » comme une « vraie » femme , en dépit du fait qu’il connaissait sa maladie. A ce moment là , Mme MP a eu le sentiment de retrouver son corps de femme et son image de femme.
En même temps , c’était très difficile pour elle de mentir à son mari qu’elle continuait à aimer Elle a tenu un mois, et lui a tout avoué.
Il s’en est suivi une période terrible qu’on ne souhaite à personne, à aucun couple.
Mr BP a été très choqué, très déstabilisé. Il a réalisé d’un coup qu’il pouvait perdre sa femme, doutant de tout et de lui en particulier. Il a pleuré pour la première fois. Il dormait très mal.
Au début, Mme MP ne comprenait pas sa réaction et n’admettait pas sa souffrance. Elle lui disait : « Tu n’as pas été aussi malheureux le jour où tu as appris que j’étais malade » (Quelle cruauté !).
Puis, Mr BP et Mme MP se sont petit à petit reconstruits en parlant ensemble des nuits entières. Ils ont repassé ensemble le film de leurs 20 ans de vie commune. Mais, ils savent maintenant qu’ils s’aiment vraiment et lorsqu’ils se caressent le plaisir est immense, car ils ont évacué tous les non dits, les reproches. Ils ont retrouvé la capacité à être « seuls au monde » et partagent le bonheur de se caresser comme si à chaque fois ils se re-découvraient un peu. Elle a retrouvé le plaisir de lui faire des petits cadeaux, de l’appeler au téléphone dans la journée, de regarder ses mains qu’elle aime. Quant à Mr BP, il lui dit qu’il l’aime par dessus tout, même s’il garde une blessure profonde en lui.
Mr BP s’est remis en cause totalement : Ils vivent des moments intenses de plaisirs partagés : randonnées, sorties au théâtre ou au restaurant, et bien sûr l’amour physique . Chaque moment est vécu plus intensément, comme s’il avait une valeur précieuse…
Fin de citations.
Fin de texte.
Commentaires récents